La question lancinante de l’origine des Berbères agite le monde académique et passionne les défenseurs d’une identité ancestrale. Au carrefour stratégique du Sahara et de la Méditerranée, cette population autochtone a traversé les âges, laissant une empreinte indélébile sur l’histoire de l’Afrique du Nord. Alors que l’Algérie moderne s’est construite autour d’une identité arabe dominante, l’histoire de son territoire reste intrinsèquement liée à celle des Berbères, dont la langue et la culture persistent avec une vitalité remarquable, malgré les débats persistants sur leurs racines.
La reconnaissance de l’identité berbère, souvent désignée par le terme « Amazigh » signifiant « homme libre », a constitué une lutte de longue haleine dans la région. Ce vocable, réapproprié par les mouvements identitaires, ambitionne d’unifier les diverses communautés berbérophones, du Maroc jusqu’en Égypte. Pourtant, comme le souligne Lameen Souag, linguiste au CNRS, son usage historique n’était pas uniforme à travers toutes les régions du Maghreb.
Les cartes postales touristiques véhiculent une image pittoresque d’un héritage berbère séculaire, illustré par un artisanat riche et varié, des bijoux kabyles aux épées touareg. La musique kabyle, ajoute l’expert, a également joué un rôle moteur dans l’affirmation identitaire.
Sur le plan linguistique, le berbère, reconnu tardivement comme langue nationale en Algérie (2002) puis officielle (2016), se décline en une mosaïque de variantes dialectales, parfois considérées comme des langues distinctes. Appartenant à la vaste famille afro-asiatique, son berceau géographique demeure un sujet de discussion. L’expansion des langues berbères actuelles serait le fruit de migrations anciennes et de conversions linguistiques progressives.
Les mécanismes précis de divergence linguistique à partir d’un protoberbère originel et l’évolution de l’écriture tifinagh restent des énigmes pour les chercheurs. Les multiples dominations et influences culturelles subies par les Berbères complexifient davantage le déchiffrage de leur passé.
Néanmoins, des inscriptions antiques en grec, latin, punique et liby-co-berbère témoignent de leur ancienneté sur le territoire. Les récits mythologiques grecs et romains, puis les interprétations judéo-chrétiennes et arabo-berbères, ont tissé des légendes variées sur leurs origines, souvent teintées d’une migration supposée depuis le Proche-Orient.
L’historienne Ginette Aumassip soulignait que l’histoire des Berbères se confond avec celle de l’Afrique du Nord sur une très longue échelle de temps. De récentes découvertes archéologiques viennent corroborer l’importance de cette région dans la préhistoire mondiale. Mohamed Sahnouni, préhistorien, met cependant en garde contre l’établissement de liens directs entre les plus anciennes occupations humaines et l’émergence du peuplement amazigh.
Les fouilles minutieuses menées à Aïn Hanech ont révélé des traces d’occupation humaine datant de 2,44 millions d’années, contemporaines des découvertes en Afrique de l’Est, berceau de l’humanité. Des outils lithiques associés à des restes d’animaux témoignent d’une activité humaine primitive. Plus tard, le site de Tighennif a livré des vestiges d’Homo erectus vieux d’au moins un million d’années.
Les découvertes au Maroc ont également repoussé l’apparition d’Homo sapiens en Afrique du Nord à plus de 300 000 ans. Les cultures moustérienne et atérienne, attribuées à ces Homo sapiens archaïques, sont bien représentées en Algérie. L’Ibéromaurusien et le Capsien ont ensuite marqué le Paléolithique supérieur et l’Holocène.
Si les études génétiques confirment un brassage ethnique important au Maghreb, elles révèlent également une proximité génétique entre les populations berbères et arabophones actuelles. L’identité berbère apparaît ainsi comme une construction avant tout culturelle, où la langue tifinagh, héritière du libyque, joue un rôle central dans la préservation d’une histoire riche et complexe.